Méthodes agiles et communisme

En 2004, je pratiquais pour la première fois les méthodes agiles au cours d'une formation Extreme Programming. Un sentiment exprimé par l'un des participants m'avait marqué, puisque je m'en souviens encore aujourd'hui.

La façon habituelle de travailler c'est le capitalisme et Extreme Programming, c'est le communisme.

Mais pourquoi cette comparaison ?

J'ai dirigé mes premiers projets logiciels avant que le concept de méthode agile soit exprimé. Qui se souvient aujourd'hui que l'outil le plus courant de suivi de tâches dans un dev logiciel, c'était le diagramme de GANTT avec Microsoft Project ?

Il n'était pas rare de voir des tâches de 2 ou 3 semaines affectées à une personne, travaillant seule dans son coin, et à qui on demandait régulièrement son reste à faire sur la tâche en question. Je suis sûr que ce fonctionnement existe encore aujourd'hui mais il est minoritaire.

On évoluait dans des structures très individualistes. Un développeur unique était souvent responsable d'un module et personne d'autre ne touchait à son code, une sorte de propriété privée. C'était une source intarissable de problèmes.

Les méthodes agiles ont balayé tout ça. Le pair programming, le daily stand-up et toutes les autres pratiques agiles ont révolutionné les usages au point de pouvoir effectivement apparaître comme une sorte de communisme : l'équipe travaille sur un bien commun et, hormis dans l'historique du code source, on ne sait plus qui a pu écrire telle ou telle ligne de code. La propriété de code est devenue collective.

Le parallèle avec le communisme semble donc légitime.

Sauf que, étonnament, 20 ans plus tard, on a des développeurs qui n'ont pas de mot assez dur pour critiquer les méthodes agiles. Et ce n'est pas difficile à comprendre : l'agilité est souvent subie, imposée d'en haut et apporte plus d'inconvénients qu'elle ne résout de problèmes.

On leur a promis le communisme, ils se sont retrouvés chez Staline !

Il y a pourtant un truc qui aurait dû mettre la puce à l'oreille. Dans l'historique du Manifeste Agile1, Jim Highsmith parle des signataires du manifeste comme étant des anarchistes organisationnels. Des anarchistes. Pas des communistes.

Des anarchistes que l'on peut s'attendre à remettre en cause les structures de pouvoir dans l'organisation, pour le bien de celle-ci. Quand ça fonctionne, vu de l'extérieur, le résultat peut ressembler à du communisme. Mais les ressorts sont différents.

Il ne s'agit pas, pour un groupe bien intentionné, de casser les structures en place pour imposer un ordre nouveau qui serait hypothétiquement meilleur pour l'organisation et ses éléments. Il s'agit de faire en sorte que les membres des équipes s'approprient l'organisation pour, volontairement et sincèrement, en faire quelque chose de mieux pour eux mêmes et pour leurs collègues.

Ce n'est qu'après avoir accepté cela que l'on peut commencer à parler de méthodes agiles.

Nous, anarchistes, nous ne voulons pas émanciper le peuple, nous voulons que le peuple s'émancipe. Nous ne croyons pas au fait imposé d'en haut par la force; nous voulons que le nouveau mode de vie sociale sorte des entrailles du peuple et corresponde au degré de développement atteint par les hommes et puisse progresser à mesure que les hommes avancent.
Errico Malatesta2

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